lundi 7 novembre 2016

Le Bestiaire des Clichés, partie 2 : les araignées géantes

Illustration : Juliane & Bigyo' - Tous droits réservés

Le Bestiaire des Clichés, partie 2 : les araignées géantes


Arachnophobie


« Fort semblable à une araignée, elle était plus grande que les grandes bêtes de proie, et plus terrible qu’elles, étant donné la malveillance de ses yeux impitoyables. Ces mêmes yeux qu’il avait crus découragés et défaits, voilà qu’ils brillaient à nouveau d’un éclat redoutable, réunis en grappes sur sa tête penchée en avant. Elle avait de grandes cornes, et derrière son cou, semblable à une courte tige, était son corps enflé telle une immense boursouflure, un grand sac pendant qui se balançait entre ses pattes : sa grande masse était noire, tachetée de marques livides, mais le dessous du ventre était pâle et lumineux, et il répandait une odeur nauséabonde. Ses pattes repliées, dont les jointures noueuses pointaient bien au-dessus de son dos, étaient hérissées de poils tels des piquants d’acier, et chacune se terminait par une griffe. »
 Description d’Arachne par J. R. R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux, livre 2


Mon cher Tolkien, si j’admire vraiment la manière dont ton œuvre incroyablement riche a ouvert la voie du merveilleux à d’innombrables personnes, il y a une chose pour laquelle je t’en veux : Arachne. Que tu rendes une de mes choubidoutes d’amour (oui bon, je suis arachnologue à la base) aussi détestable auprès du grand public, passe encore. Après tout, le péquin moyen n’a pas vraiment eu besoin de toi pour écrabouiller à tour de bras les innocentes araignées qui peuplent nos maisons. Mais que tu lui colles un dard, ça non, ça ne passe pas ! Quelques rappels de biologie élémentaire.
Les araignées ne sont pas des insectes. Sauf accident de la vie, elles ont huit pattes (et non six), et pas d’antennes. Elles sont aussi strictement et absolument dépourvues de dard. S’il est vrai qu’une araignée peut paralyser ses proies avant de les dévorer, c’est en les mordant, pas en les piquant. Leurs chélicères sont creuses, comme les crochets des serpents, et c’est grâce à ce gadget qu’elles injectent leur venin et leurs sucs digestifs dans leurs proies. Bon, je doute que ça vous rassure des masses, mais sachez que vous ne pouvez pas vous faire piquer par une araignée. Au pire, vous pouvez vous faire mordre. Et s’il est vrai que certaines espèces, comme la très connue veuve noire, peuvent être dangereuses pour l’homme, elles sont rares et ne nous attaquent que pour se défendre. Hors de question de gâcher un venin précieux !


Il y a aussi un autre très gros problème à cette pléthore d’araignées géantes dans nos jeux de rôles : c’est physiquement impossible. Attention, je vais parler mathématiques mais, promis, ça fera pas mal. Prenons une araignée fictive mesurant 1cm de long, dont le bout des pattes qui touche le sol occupe une surface de 1mm² et pesant 1 gramme. Les pattes doivent donc supporter un poids d’1 gramme par mm², tout va bien, l’araignée gambade. Mais imaginons maintenant qu’un MJ en panne d’inspiration grossisse cette araignée 100 fois. L’araignée, cent fois plus longue, mesurera 1 mètre. La surface totale au sol des pattes sera elle de 100x100=10.000mm², soit un carré de 10cm par 10cm. Mais le poids de cette araignée sera lui de 100x100x100=1.000.000 grammes, soit une tonne bien tassée. Chaque mm² de patte d’araignée devra supporter un poids 100 fois plus important que prévu. Et donc, ça casse. Une araignée géante devrait aussi faire face à d’autres problèmes, comme celui de l’oxygénation d’un aussi gros corps malgré des poumons très primitifs, mais certains expliquent ça bien mieux que moi (http://www.bio.miami.edu/tom/courses/bil160/bil160goods/17_scaling.html).

N’aie pas peur, cher aventurier, c’est pas avec des pattes aussi ridicules qu’elles risquent de te sauter dessus ! Capture d’écran tirée de Baldur’s Gate, jeu vidéo de rôle développé par BioWare et publié par Black Isle Studios.


Tout ce qui est petit n’est pas forcément mignon


Si vous voulez absolument opposer vos joueurs à des insectes ou des arachnides géants, l’utilisation du joker TGCM sera indispensable. Généralement, les bestiaires fourmillent (ahahah ! pardon) de bonnes idées. Si vous cherchez un opposant non magique, et puisqu’il est physiquement impossible de faire rencontrer à vos joueurs une bestiole de grande taille, pourquoi ne pas leur faire rencontrer un grand nombre de bestioles de petite taille ? Après tous, l’animal qui tue le plus d’hommes chaque année est… le moustique (https://www.gatesnotes.com/Health/Most-Lethal-Animal-Mosquito-Week). Pas directement bien sûr, mais par les maladies qu’il transmet. On peut donc imaginer vos joueurs plongés dans un environnement où la moindre piqûre risque de les affaiblir au fur et à mesure que l’histoire avance. Paranoïa collective assurée. Plus direct et tout aussi efficace, les essaims de guêpes, d’abeilles, de frelons et, oui, pourquoi pas, d’araignées. Ils peuvent effectivement être mortels, surtout en cas d’allergie (coucou l’échec critique) et ils sont particulièrement délicats à gérer autrement que par la fuite. Cher MJ sadique qui doit gérer des joueurs tellement bourrins qu’ils sont presque intouchables, songe qu’il est nettement plus difficile de tataner un millier de toutes petites cibles qu’une grosse bestiole lorsqu’on se bat à l’épée à deux mains. Je dis ça, je dis rien.


Alors, vous êtes convaincus qu’il vaut mieux éviter d’opposer vos joueurs à des araignées géantes ? Dans la troisième partie du Bestiaire des Clichés, j’aborderai le sujet du meilleur compagnon du rôliste medfan : le cheval.


Juliane

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